Le plus grand mystère de l'Everest

Il y a un peu plus de 100 ans, George Mallory et Sandy Irvine disparaissaient au sommet de l'Everest. L'histoire de ces alpinistes m'avait déjà interpellé il y a quelques années. Aperçus pour la dernière fois à 240 mètres du sommet, ils ont disparu sans que l'on sache s'ils avaient atteint le sommet – près de 30 ans avant Edmund Hillary et Tenzing Norgay. L'histoire de la photo que Mallory avait promis de laisser au sommet, et qui n'a pas été retrouvée sur son corps découvert en 1999, continue d'alimenter le mystère.
En 2024, plusieurs articles ont commémoré le 100e anniversaire de cette disparition et les spéculations autour du "plus grand mystère de l'Everest". Un élément a particulièrement retenu mon attention : selon certains experts, les vêtements de l'époque ne leur auraient pas permis d'atteindre le sommet. Aujourd'hui, alors que plus de 69 % des vêtements sont en polyester – presque 100% pour les vêtements outdoor – on pourrait en effet penser que les tenues modernes sont bien supérieures à celles de 1924.
(Irvine et Mallory debout à gauche)
Des recherches menées entre 2003 et 2005 par une équipe d'experts britanniques contredisent cet avis répandu. À partir d'échantillons de vêtements préservés dans la glace, ils ont reconstitué la tenue de Mallory et découvert que cet équipement en matériaux naturels était non seulement plus léger que notre équipement actuel, mais tout aussi efficace. Le secret ? Une superposition ingénieuse de matériaux naturels et une gabardine extérieure alliant protection et respirabilité.
En 2006, l'alpiniste Graham Hoyland a mis ces découvertes à l'épreuve sur l'Everest, comparant la tenue reconstituée à l'équipement moderne. Son verdict est révélateur : les vêtements d'époque se sont distingués par un confort exceptionnel, notamment grâce à des sous-couches immédiatement chaudes, contrairement au polypropylène moderne, froid et moite. Face aux vents violents du glacier de Rongbuk, la gabardine a prouvé son efficacité, protégeant parfaitement les huit couches qui emprisonnaient l'air chaud contre la peau. Hoyland a toutefois noté que ces vêtements n'auraient pas permis de survivre à une nuit à -40°C - une limite qui s'applique également à l'équipement moderne, comme l'a tragiquement démontré l'accident de 1996, où huit alpinistes ont péri dans des conditions météorologiques similaires à celles qu'ont affrontées Mallory et Irvine.
Variations de pression atmosphérique au sommet de l'Everest en juin 1924 et mai 1996.
Peut-on vraiment créer des vêtements performants sans plastique ? L'histoire nous offre plusieurs exemples remarquables. En 1953, Edmund Hillary et Tenzing Norgay ont atteint le sommet de l'Everest vêtus d'un pull en laine Shetland et d'un anorak en duvet et coton Ventile. Dans un contexte tout aussi exigeant, Ranulph Fiennes a utilisé ce même type de coton lors de son expédition Transglobe en 1981, qui l'a mené du pôle Sud au pôle Nord à pied en 3 ans. Ces exploits démontrent la capacité des matériaux naturels à performer dans des conditions extrêmes. Soyons toutefois pragmatiques : la plupart d'entre nous n'a pas prévu de gravir l'Everest, traverser l'Antarctique ou faire le tour du monde à la voile. Pour ces aventures exceptionnelles, nous continuerons bien sûr à recommander un équipement spécialisé, qui inclura probablement des matériaux synthétiques.
Mais pour nos activités quotidiennes - c'est-à-dire 99,9% des situations - les matériaux naturels s'avèrent non seulement suffisants mais souvent supérieurs à leurs équivalents synthétiques. Et ils ont un avantage indéniable : leur respect de l'environnement, un domaine dans lequel ils surpasseront toujours les matières plastiques.
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